L’histoire du salariat en France et les grandes dates clés à retenir

salariat en France

Pilier du monde du travail, le salariat s’est imposé en France au fil d’une histoire riche en bouleversements et en avancées sociales. De l’émergence du contrat de travail à la création de la médaille du travail, chaque étape raconte la lente construction d’un statut aujourd’hui central. Mais ce modèle est aujourd’hui remis en question.

L’essor du travail indépendant et les transformations numériques bousculent les repères traditionnels. Revenir sur les grandes dates qui ont façonné le salariat, c’est non seulement comprendre les fondements de notre modèle social, mais aussi mieux saisir les défis qui s’annoncent pour l’avenir du travail en France.

Les origines du salariat en France

Bien avant de devenir la norme, le salariat n’était qu’une forme marginale et souvent précaire de travail. Sous l’Ancien Régime, la société valorisait surtout les artisans, commerçants et paysans indépendants. Travailler pour un autre, contre rémunération, était perçu comme une situation de dépendance, parfois même d’infériorité sociale. Les ouvriers, souvent journaliers ou domestiques, n’avaient ni statut, ni protection.

Tout bascule à la Révolution française. En 1791, deux textes fondateurs posent les premières pierres du salariat moderne. Le décret d’Allarde abolit les corporations et proclame la liberté du travail, ouvrant la voie à la contractualisation des relations professionnelles. Mais, dans le même élan, la loi Le Chapelier interdit les coalitions ouvrières et toute forme de syndicalisation, au nom de la liberté individuelle. Le salariat naît donc dans un contexte paradoxal : il est reconnu comme une liberté nouvelle, mais reste étroitement encadré et privé de moyens de défense collective.

Au début du XIXe siècle, le Code civil consacre le « louage de services » : il encadre juridiquement la relation entre employeur et salarié, sans pour autant lui accorder de véritable protection. Le salariat reste alors un choix par défaut, réservé aux plus modestes, tandis que les droits sociaux restent à inventer. Ce n’est qu’avec l’industrialisation, la montée des villes et l’essor des grandes manufactures que le salariat commence à s’imposer comme une réalité incontournable du paysage économique français.

L’essor du salariat au XIXe siècle

Le XIXe siècle marque un tournant décisif pour le salariat en France. Porté par la révolution industrielle, il s’impose progressivement comme la forme dominante d’organisation du travail, bien au-delà des seules usines. Entre 1830 et 1930, la part des salariés dans la population active passe de moins de la moitié à près des deux tiers, signe d’une transformation profonde de la société.

Dans un premier temps, la salarisation touche surtout l’industrie, mais rapidement, elle s’étend au secteur tertiaire :

  • commerce ;
  • services ;

Cette évolution s’accompagne d’une croissance démographique modérée, mais d’une “mise au travail” massive : la population active augmente de 7 millions de personnes entre 1850 et 1914, dont une part croissante d’employés et de nouveaux métiers liés à la modernisation de l’économie.

Au fil du siècle, le rapport salarial change de nature. D’abord individuel, il devient progressivement collectif, sous l’effet des luttes ouvrières et de l’organisation croissante des travailleurs. La conscience de classe se forge, notamment avec la Révolution de 1848, et s’affirme sous l’Empire. Quelques dates illustrent cette évolution : en 1864, le droit de grève est reconnu, première entorse à la loi Le Chapelier ; en 1884, la liberté syndicale est enfin affirmée, ouvrant la voie à la structuration du mouvement ouvrier.

Ce siècle est aussi celui des premières avancées sociales. Les salaires nominaux connaissent une tendance durable à la hausse, doublant presque entre 1840 et 1913, malgré des disparités selon les secteurs. Le niveau de vie des ouvriers s’améliore lentement, même si la durée du travail reste très longue – souvent de 12 à 15 heures par jour, six jours sur sept, jusqu’à la fin du siècle. Ce n’est qu’à la toute fin du XIXe siècle que les premières régulations apparaissent, comme les décrets Millerand de 1899 fixant des salaires planchers pour la commande publique.

Le XXe siècle marque l’apogée du salariat et des conquêtes sociales

Au XXe siècle, le salariat s’impose définitivement comme le socle du monde du travail en France. La Première Guerre mondiale accélère la transformation de l’économie et la massification du salariat. Les femmes entrent en nombre dans les usines, les campagnes se vident progressivement au profit des villes, et la société se structure autour de l’emploi salarié.

Les grandes avancées sociales jalonnent cette période. Dès 1919, la journée de huit heures devient la norme, marquant une rupture avec l’exploitation du XIXe siècle. Les conventions collectives, instaurées la même année, encadrent les relations professionnelles et offrent aux salariés de nouveaux droits. Mais c’est surtout le Front populaire, en 1936, qui marque les esprits : congés payés, semaine de 40 heures, reconnaissance syndicale. Pour la première fois, le temps libre et la protection sociale entrent dans la vie quotidienne des salariés.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’État-providence se met en place. La Sécurité sociale, créée en 1945, garantit une protection contre les risques de la vie (maladie, vieillesse, accidents du travail). Le salariat devient la norme, incarnant la stabilité et l’intégration sociale. Les décennies qui suivent voient se multiplier les avancées :

  • troisième semaine de congés payés en 1956 ;
  • quatrième en 1969 ;
  • cinquième en 1982 ;
  • réduction progressive du temps de travail jusqu’aux 35 heures en 2000.

C’est dans ce contexte de reconnaissance et de valorisation du travail salarié qu’est créée, en 1948, la médaille d’honneur du travail. Cette distinction officielle récompense l’ancienneté et le mérite des salariés, soulignant l’importance accordée à la fidélité et à l’engagement professionnel. Remise après 40 ans de services lors de cérémonies souvent émouvantes, la médaille grand or du travail incarne la place centrale du salariat dans la société française et la volonté de l’État de célébrer ceux qui, chaque jour, contribuent à la vie économique du pays.

Au fil du XXe siècle, le salariat devient ainsi synonyme de sécurité, de droits et de reconnaissance. Mais cette stabilité, acquise de haute lutte, n’est pas immuable. Les dernières décennies du siècle voient apparaître de nouveaux défis, annonciateurs des mutations contemporaines.

Le salariat face aux mutations contemporaines

Depuis le tournant des années 1980, le salariat traverse une période de profondes transformations. Si la majorité des actifs français restent salariés, leur statut se fragilise sous l’effet de la mondialisation, des mutations technologiques et de l’évolution des modes de production. La flexibilité devient un mot d’ordre : multiplication des contrats à durée déterminée, essor de l’intérim, développement du temps partiel. Les parcours professionnels se fragmentent, et la sécurité de l’emploi, longtemps considérée comme acquise, s’effrite.

L’émergence du travail indépendant, portée par la révolution numérique et la montée des plateformes, vient bousculer le modèle traditionnel. De plus en plus de travailleurs choisissent, ou subissent, des formes d’activité hors du salariat classique telles que l’auto-entrepreneuriat, le freelancing, la « gig economy ». Ce phénomène interroge la capacité du système social français à protéger tous les actifs, quelle que soit la nature de leur contrat.

Dans ce contexte, la reconnaissance du travail salarié, symbolisée par la médaille d’honneur du travail, prend une dimension nouvelle. Elle rappelle l’importance de valoriser l’engagement, la fidélité et le professionnalisme, à l’heure où les trajectoires s’individualisent et où la notion même de carrière évolue. Mais elle pose aussi la question de l’adaptation de nos dispositifs de reconnaissance et de protection à un monde du travail en pleine mutation.

Les réformes récentes du Code du travail, les débats sur la protection sociale des travailleurs des plateformes et les expérimentations autour du revenu universel témoignent de la recherche d’un nouvel équilibre. Le salariat, longtemps synonyme de stabilité et de droits, doit aujourd’hui se réinventer pour continuer à jouer son rôle de pilier social, tout en s’ouvrant à la diversité des parcours professionnels.

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